Erwin Spitzer, architecte spécialisé en PEB et expert dans le cadre du plan régional Renolution (visant à l’amélioration massive de l’efficacité énergétique du bâti bruxellois ancien) a réexpliqué la problématique de la PEB (Performance Energétique des Bâtiments) et de sa traduction en certificats (les fameux A,B,C,D,E,F,G) : son point de départ (Kyoto) , sa traduction au niveau européen , notamment dans le cadre du Green Deal et du New European Bauhaus, et sa traduction au niveau régional belge.
A ce dernier sujet, tout est différent entre les 3 Régions : les performances des classes de certification, les filières de formation des certificateurs, les façons de certifier, les réglementations sur les obligations PEB, les logiciels de certification résidentielle, les systèmes de primes…ce qui pose question bien sûr.
Il a présenté ensuite la répartition du bâti selon les catégories PEB à Bruxelles et en Wallonie, d’où il ressort que, même en tenant compte des différences de valeur de performances, la situation y est assez semblable c’est-à-dire catastrophique (seulement +/- 15% d’A+B+C à Bruxelles et 25% en Wallonie).
Il a ensuite montré, grâce à des tableaux statistiques des permis, que pour atteindre le PEB requis, il faudrait, à politique égale 98 ans à Bruxelles (sitex 2023 : +/ – 195.000 bâtiments) et 106 ans en Wallonie (sitex 2023 : +/- 1.703.000 bâtiments)…
Thomas Deruyver, Architecte à l’AWaP (Agence wallonne du Patrimoine) a commencé par la présentation de l’étude européenne, à laquelle il a participé, pour « Renforcer la résilience du patrimoine culturel face au changement climatique : convergence entre le pacte vert pour l’Europe et le Patrimoine culturel ».
Sur le sujet plus ciblé du débat il a posé les constats suivants :
- Sa division ne s’occupe que des 4.200 bâtiments classés soit 0,2% du bâti wallon ; or il y a 55.000 bâtiments à l’IPIC (Inventaire du Patrimoine Immobilier Culturel) sans compter les centaines de milliers de bâtiments intéressants ; le bâti classé (surtout en ses parties extérieures) est peu menacé, par essence, par des interventions malheureuses d’isolation ; mais les autres …: là est le vrai débat
- Il y a (trop) peu de contacts entre les administrations du Patrimoine et de l’Energie
- Quelques règles se mettent progressivement en place en particulier celle de travailler par l’intérieur : nouveau châssis derrière l’ancien maintenu, isolation intérieure des murs et toitures ; il illustre ces techniques par différents exemples : donjon, abattoir…
- Enfin il fait état du label GRO (outil de mesure et d’amélioration de la durabilité des projets de construction) et du modèle de formation (français) CREBA
Josiane Pimpurniaux, Directrice Hainaut de l’AWAP (450 agents pour la Wallonie) balise les contraintes juridiques : Charte de Florence sur le Paysage, Code du Patrimoine (CoPAT) avec notamment le fait qu’il y a toujours demande de permis sur un bien classé, qu’un dossier ne peut pas être jugé irrecevable (il doit toujours être traité) etc. ; d’autre part le décret PEB ne lui est pas applicable.
Elle explique ensuite la notion de « conservation intégrée » qui sous-tend l’approche de l’AWaP en termes de PEB et qui est basée sur 2 concepts : la visibilité et la réversibilité.
Celle-ci s’est donc traduite dans un Outil d’analyse du lieu et de la demande, divisé selon plusieurs critères en 3 grands cas de figure, du moins problématique au plus problématique : non visible et réversible, visible et réversible, visible et irréversible.
Pour illustrer le propos, elle prend le cas des panneaux photovoltaïques : les zones moins ou non visibles de l’extérieur seront privilégiées, même au détriment de la performance ; les panneaux seront fixés au-dessus de la toiture (réversibilité) plutôt qu’intégrés dans la toiture etc.
Elle termine son exposé par le même constat que l’orateur précédent : c’est le Patrimoine de qualité non classé qui est vraiment menacé par la problématique PEB et c’est là-dessus qu’il faudrait surtout réfléchir.
Eric Lemmens est architecte passionné par la problématique du débat sur laquelle il explique avoir progressivement et radicalement changé ; en clair ce qui compte c’est la consommation finale.
Or la PEB détermine, à l’aide de logiciels, une consommation théorique qui s’avère ne pas refléter la consommation réelle puisque celle-ci dépend du comportement ; il le prouve via un graphique, établi par le Conseil d’analyse économique (Focus n°103 de janvier 2024) , établi sr bases des données bancaires (frais payés) : les consommations réelles sont sous-estimées pour les bâtiments A et B par rapport à leur consommation réelle et ultra surestimées pour les bâtiments D à G (ex. : G +560% de consommation théorique par rapport à AB au lieu de…86%) .
Un deuxième défaut de la PEB est qu’elle prend en compte une situation statique (les matériaux existants et leurs performances) alors que l’utilisation est dynamique et que les exigences de confort, d’humidité etc. ne sont pas semblables dans le temps et dans l’espace. Il est donc indispensable de réaliser des simulations dynamiques d’une part, et de revoir les critères de confort, notion culturelle, d’autre part (Slow Heat) : il explique ne pas dépasser 18° chez lui et s’en porter très bien et réexplique que l’isolation la plus performante et la moins chère est celle directement sur la peau (vêtements).
Il termine avec un graphique illustrant que, pour la première fois dans l’Humanité, la masse anthropique dépasse la biomasse – rien que le béton représente la moitié de cette dernière ; ceci lui permet d’illustrer son credo, qu’il tire du livre La troisième voie d’Olivier Hamant : entre la performance et la robustesse, c’est toujours la robustesse que l’évolution sélectionne.
Or le Patrimoine est robustesse.
Julie Bajart, CEO des Entreprises Bajart témoigne des difficultés des entreprises sur les chantiers spécifiques de Patrimoine ; elle regrette en particulier qu’entre le moment où est envisagée une intervention et le moment d’achèvement des travaux, il s’écoule entre 3 et 10 ans, ce qui laisse largement le temps à une détérioration rapide du bâtiment, sources de nombreuses complications, surcoûts et retards. Elle interpelle la DGO4 à cet égard.
D’autre part, l’autre problème majeur est celui de trouver de la main d’œuvre qualifiée pour ce type d’intervention ; elle souligne à cet égard qu’il faudrait favoriser les entreprises qui, comme la sienne, ont leurs propres corps de métier spécialisés et fidélisés, gage de transmission d’expertise, par rapport aux entreprises qui recourent à la sous-traitance moins spécialisée et motivée et qui peuvent ainsi proposer des prix plus bas ; elle cite en exemple, le coût de réalisation de « pièces d’épreuve » (maquettes échantillon grandeur nature) qui, certes, consomment du budget mais permettent de sensiblement améliorer les résultats des travaux eux-mêmes et de diminuer les surprises techniques au moment de la réalisation et surtout ensuite. En ce sens, le prix ne devrait pas constituer le critère principal lors des appels d’offre.
La séance de questions et réponses se divise en 2 périodes : des échanges entre Madame Bajart et les 2 représentants de l’Administration sur les points évoqués supra ; des échanges entre la salle et M. Lemmens qui globalement, reviennent à soutenir son propos notamment le témoignage d’un ingénieur spécialisé qui rappelle que confort et température ambiante sont 2 notions différentes (phénomène d’absorption des calories du corps par une paroi froide même si la température ambiante est élevée) et appuie donc la proposition de modélisation dynamique. A ce sujet, M.Spitzer explique qu’en terme notre surface de peau est de 1,7 m² vs par ex. +/- 35 m2 pour celle d’une pièce soit 20 fois plus de surface à chauffer ; si on parle de volume à chauffer , les écarts sont encore beaucoup plus importants. D’autres questions relancent les questionnements sur la certification ou en posent sur les conditions des prêts bancaires lorsqu’il s’agit de Patrimoine.
Avec le soutien de